Dernier lundi.
Il a plu sans s'arrêter aujourd'hui. Un peu comme sous mon crâne.
Tout à coup j'ai envie de lister tout ce que j'ai aimé au cours des deux dernières années, et qui va beaucoup me manquer dans l'effevescence des prochains mois. Le lundi matin, impossible de se garer parce qu'on commence à neuf heures. Mais on s'en fout parce que comme ça, on fait un tour complet du parc. Le CDI jamais ouvert quand il devrait l'être, les documentalistes toujours à vouloir nous jeter dehors pour finir plus tôt le soir ("mais vous bossez encore à cette heure là, vous ?"). Le self le vendredi soir, les lasagnes au micro-ondes, la tablée complètement à bout de nerfs qui rit de tout et n'importe quoi, parce que putainnnnn demain y'a DS et j'ai RIEN COMPRIS. L'attente dans les couloirs avant les khôlles, quand on tourne en rond avec un mal de ventre horrible, qu'on est persuadé qu'on ne sait rien. L'après khôlle, où on se sert dans les bras et on se complimente les uns les autres. Ouf, une de plus de passée. Maintenant on retourne réviser celle de demain, en espérant ne pas s'endormir sur les cours à 22h comme hier soir. Les séances de TP où on rigole beaucoup en faisant de la bouillie d'algues... et la rédaction des compte-rendus où on s'arrache littéralement les cheveux pour se taper un 8/20 au final. Les regards qu'on partage dans l'amphi trop froid, le samedi matin, juste après avoir vu le sujet du devoir. L'écureuil du hall, qui vient toujours voir si on n'aurait pas un truc à lui donner à manger. Traverser le parc, l'hiver, dans la nuit froide, et sursauter quand on entend une chouette. Descendre aux serres acheter du lait frais à l'amap, et se faire du chocolat chaud dans le self clandestinement. Acheter aussi un fromage qu'on engloutira après les lasagnes. Endurer les heures de TD de maths, prier pour ne pas être appelé au tableau, ou alors pas sur cet exo là, celui-là j'ai vraiment rien compris... et merde. Pester contre la prof incapable de faire un khôlloscope qui fonctionne pour tous. Pester tout court contre le monde entier. Griller une cigarette le midi en dix minutes avant de courir pour ne pas arriver en retard en cours. Trimballer des dizaines de classeurs beaucoup trop lourds. Acheter les paquets de pochettes plastiques et de cartouches d'encre par 10. Se faire voler son vélo. Rentrer à pieds et croiser des lapins. Faire un craquage nerveux collectif devant les énoncés de devoirs maisons, bosser dessus ensemble pendant 3 heures puis renoncer, pleurer de rire, et chercher une correction avec plus de ferveur que les réponses aux questions. Aller à Crozon, escalader des falaises rocheuses pendant tout un week-end, rire rire rire, revenir avec des coups de soleil. Dessiner des canardos grosso testus et des lutins partout dans ses cours de physique-chimie. Utiliser le J'intègre pour faire sécher les plantes de son herbier. Dire tous en coeur "on fait un DESSIN MAGIQUE". Se tordre le cou pour voir la tenue du jour du Dieu de la biologie himself. Subir des remarques acerbes de la part du professeur en informatique, ne rien comprendre à ce qu'il explique, et passer deux heures à se dire "mais WTF ?". Se faire chier royalement en géographie, et se taper des notes pourries quand mêmes. Halluciner devant les positions de la prof d'anglais. Prendre la voiture le soir pour sortir de son 9m² et aller "s'aérer" à la BU, dont on est les derniers à sortir juste après les médecines, à 22h30. Se sentir devenir un génie quand on dépasse le 6/20. Penser qu'au bout, on a le concours qui arrive, et qu'on n'est pas prêts. Pas prêts du tout. Et puis il arrive. Et on le passe. Bon. Baliser pour les oraux à venir, trouver un canapé amical sur lequel dormir à Paris, faire des itinéraires de métro. Ressortir encore les mêmes cours, ils nous saoûlent ceux-là, les mêmes depuis deux ans, c'est PENIBLE à force, vous êtes d'accord ? Et puis finalement ils font partie de tout ce qu'on est devenus, sans eux pas de blagues sur la membrane plasmique dans les couloirs, sur Mr le prof phospholipide, pas de "Mr et Mme Faits ont un fils, comment s'appelle-t-il ?", pas de "pousse toi je m'intussuscepte !", de camembert président 70% de matières grasses tardi-orogénique, de lois très très cools, de théorème des moments j'ai peur. En deux ans, on a eu largement le temps de devenir fous. Mais on s'en est sortis quand même, en se portant à bout de bras les uns les autres, par parenthèses.
Aujourd'hui était peut-être mon dernier lundi. Ou peut-être pas. Ce qui est sûr, c'est que repenser à tout ça me fera sourire jusqu'à la fin de ma vie.
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